Le « cendrier » à vingt euros

Chez Moon Rabbit Art, notre bureau d’expertise à Paris reçoit souvent des messages de personnes curieuses de connaître la valeur d’objets qu’elles ont trouvés ou hérités. Bien que beaucoup de ces objets s’avèrent n’avoir qu’une valeur modeste, il arrive parfois que quelque chose de vraiment exceptionnel nous parvienne.

Il n’y a pas si longtemps, nous avons reçu un e-mail dont l’objet était : « C’est bon pour la poubelle ou pas ? » Il venait de Karim, un ouvrier du bâtiment, qui avait joint plusieurs photos floues de ce qu’il décrivait comme « peut-être un vieux cendrier ou un bol ». Il avait découvert la pièce en vidant une cave sur un chantier de démolition à Levallois-Perret où un ancien immeuble était détruit pour laisser place à une nouvelle construction.

Même si les photos n’étaient pas très nettes, j’ai remarqué certains détails distinctifs—en particulier la glaçure bleu-vert pâle et la forme cylindrique ornée de côtes horizontales, caractéristiques de certaines céramiques chinoises. J’ai immédiatement contacté Karim pour lui demander s’il pouvait envoyer des photos plus claires, notamment de la base et d’éventuelles marques. Lorsqu’il m’a demandé si cela pouvait valoir « 20 ou 30 euros », je lui ai expliqué qu’il ne s’agissait certainement pas d’un cendrier, mais que j’avais besoin de meilleures images avant d’en dire plus.

Lorsque les nouvelles photos sont arrivées, elles ont confirmé mes premières impressions, mais ont aussi révélé des traces de cendre de cigarette et des brûlures sur le rebord. Karim utilisait en fait cette pièce ancienne comme cendrier chez lui.

Après un examen attentif, j’ai identifié l’objet comme un brûle-encens tripode Longquan en céladon de la dynastie Song (960–1279 apr. J.-C.). Son corps cylindrique à décor côtelé, ses trois pieds courts, son large rebord et sa glaçure lisse et brillante confirmaient son origine et son usage prévu.

Lorsque j’ai appelé Karim pour lui faire part de ma découverte, il était d’abord sceptique. Mais en lui expliquant que ce type de pièce se valorise généralement entre 2 000 et 3 000 euros, il a été réellement surpris. Sa copine, m'a-t-il dit, détestait cette pièce dans leur appartement. Après authentification, nous avons pu mettre Karim en relation avec un collectionneur qui l’a acheté pour 2 400 euros.

Karim et sa compagne ont utilisé cet argent inattendu pour s’offrir un week-end à Tunis. Mais surtout, cette expérience leur a donné une nouvelle appréciation des objets historiques et de la valeur cachée que peuvent receler les objets du quotidien.

Des histoires comme celle-ci nous rappellent pourquoi, chez Moon Rabbit Art, nous encourageons les gens à faire expertiser professionnellement leurs objets avant de les jeter ou de leur donner un nouvel usage. Les artefacts historiques méritent d’être correctement identifiés et préservés—car parfois, ce qui semble n’être qu’un vieux bol est en réalité un lien précieux avec notre histoire commune.